Pourquoi l’adolescence est-elle une période de crise ?
L’adolescent sait ce qu’il quitte avec l’enfance et ne sait pas encore ce qu’il va trouver avec l’âge adulte. Il est en manque de repères mais il rejette a priori le mode d’emploi que lui proposent ses parents. Il est donc légitime que ce soit un moment de crise. Il est normal que l’adolescent vive cette période dans la souffrance et la difficulté. Tout comme il est normal pour les parents d’avoir du mal à trouver la bonne réponse à apporter à leur enfant.
On a le sentiment que c’est plus compliqué aujourd’hui qu’hier.
Hier, ce passage entre l’adolescence et l’âge adulte était ritualisé par des événements religieux ou sociaux tels que communion, certificat d’études, brevet, service militaire, et qui donnaient à l’adolescent le sentiment d’accéder au rang des adultes. Aujourd’hui, ces rituels ont disparu ou sont banalisés. Les adolescents doivent s’en trouver de nouveaux : sécher les cours, fumer de la drogue, casser une voiture… Cela se fait souvent dans la violence, parce que l’adolescent qui s’est construit sans qu’un adulte lui fixe une limite va chercher cette limite toujours plus loin.
Est-ce si important de fixer une limite ?
Pour un enfant comme pour un adolescent, se trouver face à une limite est quelque chose de profondément rassurant. Même si, dans l’instant, il va chercher à la transgresser ! La présence de l’interdit comporte l’énorme avantage de permettre la transgression. Et c’est la transgression qui, elle-même, autorise l’affirmation de soi dans la relation, dans la négociation et la confrontation à l’autre. Il n’y a rien de plus inquiétant pour un enfant que de ne pas sentir la réponse de l’adulte à l’instant où il transgresse. Cela le laisse dans une solitude qu’il va chercher à combler par la provocation. Provocation qui ira crescendo si elle ne rencontre pas de répondant, parce qu’elle permettra constamment à l’enfant de mesurer son pouvoir sur l’adulte.
Comment agir face à l’agressivité de son adolescent(e)?
Les ados ont bien changé aujourd’hui… et la fameuse crise d’adolescence a pris de nouvelles formes, souvent plus difficiles à reconnaître et plus brutales.
Dépression et automutilation chez les filles, coups et consommation de drogues chez les garçons…
Quels sont les nouveaux comportements à risque et les expressions de la violence ?
Aujourd’hui les comportements des ados ont évolué et le mal-être ne s’exprime plus tout à fait de la même manière. Ces expressions sont spécifiques aux jeunes filles et jeunes garçons.
Garçons : gare à la casse
Chez les garçons, bagarres, fugues, absentéisme scolaire sont les comportements qui vont exprimer le mal-être. La violence est généralement projetée vers autrui, plutôt que vers soi (les tentatives de suicide chez les garçons sont restées stables). Mais il y a une hausse sensible des dégradations des biens d’autrui et notamment des biens publics. Et la consommation de drogues est un phénomène principalement masculin, de plus en plus répandu.
En revanche, il faut souligner que la consommation d’alcool n’a pas évolué malgré les apparences. Les jeunes aujourd’hui sont moins consommateurs que leurs parents. Aujourd’hui le seul mode de consommation qui persiste chez les jeunes c’est l’ivresse. Or la France reste l’un des pays d’Europe où le comportement d’ivresse est le moins répandu. C’est le regard de la société qui a évolué.
Filles : la violence intérieure
Comme le souligne le Dr Xavier Pommereau, psychiatre : “Il y a 20 ans, le trouble principal chez les jeunes filles était la crise de spasmophilie. Aujourd’hui cela a pratiquement disparu. A la place, on va retrouver d’autres troubles tels que l’automutilation”. Car chez les adolescentes, le mal-être s’exprime avant tout par une plus forte tendance à la dépression et une violence tournée vers soi. Les tentatives de suicide ont ainsi augmenté en quelques années chez les filles. Les troubles du comportement alimentaire, anorexie et boulimie, sont d’autres formes de violence projetée vers son propre corps bien connus. En revanche les automutilations semblent être de plus en plus nombreuses chez les jeunes filles.
Bientôt la parité des comportements à risque
Cet écart de comportement entre les filles et garçons semble donc s’être creusé. D’après de récentes études, il y a plus de différences de comportement aujourd’hui entre filles et garçons qu’il y a 10 ans.
Mais la tendance pourrait bien s’inverser : on voit apparaître des attitudes spécifiques aux garçons chez les filles. Ainsi, la violence tournée vers autrui progresse également chez elles, comme le traduisent certains faits-divers.
De même, les chiffres sur la consommation de cannabis montrent une progression importante chez les adolescentes. Or souvent cette “inversion” des troubles est encore plus dangereuse, car elle se fait de manière plus violente : un garçon qui se scarifie le fera de manière encore plus grave, une fille qui boit de l’alcool le fera de manière plus extrême.
Une prévention insuffisante
La société a-t-elle su s’adapter à cette évolution des comportements des ados ? Pas vraiment. Ainsi, aujourd’hui l’État augmente les mesures sécuritaires et les actions contre les dégradations de biens publics, au lieu d’essayer de prévenir les comportements. Et les grandes campagnes d’information et de prévention concernent surtout la consommation de cannabis ou de drogues, comportement essentiellement masculins. Les adolescentes sont ainsi les grandes oubliées des pouvoirs publics. Où sont les campagnes pour la prévention du suicide, de l’anorexie ou des automutilations ?